A coté du Cours Saint Emilion j’ai souvent photographié un bâtiment en pierre. A l’étage, dans des alvéoles (probablement des fenêtres murées) se trouvent des têtes sculptées à dimension réelle, avec des expressions un peu caricaturales, qui nous regardent. J’avais vu que c’est le Musée des Arts forains et je dois préciser que depuis l’âge d’environs 30 ans je n’aime plus les foires. Je regarde parfois sur le ciel le reflets des lumières de la Foire du Trône, mais sans aucune envie d’aller plus loin. Parfois je passe dans le Jardin des Tuileries pour me promener ou aller au Musée d’Orsay et je traverse des foires. Certainement très (trop ?) critique et subjective, je trouve les actuelles attractions primitives, je n’aime pas les foules, ni le bruit incessant du grand nombre de décibels qui les accompagnent. Je n’avais donc aucune curiosité d’entrer dans ce musée.

Mais hier je suis entrée. Une magnifique aventure, je suis encore sous le charme. De nature curieuse, j’aime improviser, prendre des décisions spontanément et pourquoi pas, essayer de contredire mes propres idées. J’ai rejoint un groupe d’amis pour entrer dans le musée, le connaître, fourrer mon nez dans ses salles, dans ses réserves et ateliers de restauration.

Vous connaissez le cartier de Bercy, où pendant longtemps arrivait le vin pour la ville, par barge ou par train ? Cette activité a laissé une forte empreinte – des rails dans le parc, des bâtiment construits pour et par les marchands de vin un peu partout et qui trouvent une nouvelle vie depuis peu. Louis-Ernest Lheureux a construit au XIXè siècle les halles à vin appelées aussi les Chais Lheureux (ou Pavillons de Bercy). C’est dans ces impressionantes constructions qu’est installé depuis 1996 le seul musée privé dédié à l’art forain en France. Son propriétaire, Monsieur Jean-Paul Favand, est un personnalité formidable, riche d’expérience et de savoir et plein de sagesse. Après des études de droit il devient comédien, puis antiquaire. Tout en tournant avec sa troupe de théâtre, il s’intéresse à des objets d’art. Il ouvrira son magasin d’antiquités, le Tribulum au cœur des Halles, où il mettra en évidence une première collection de “curiosités” : objets divers et variés du monde du cinéma, du théâtre et de la fête foraine.

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Par un parcours long et laborieux (expositions thématiques au Louvre des Antiquaires et à l’étranger en Europe, Moyen Orient et Asie, inauguration du Forum des Halles) il impose la collection petit à petit dans le monde du spectacle, de la mode, de la réalisation de cinéma, de télévision et installe cette collection de plus en plus grande d’abord dans une friche industrielle à Gentilly, ensuite pour trois ans dans le 15ème Arr. à Paris et finalement aux Chais Lheureux.

Ici Monsieur Favand est à la tête d’une équipe de documentalistes, d’experts, de restaurateurs et muséographes qui chassent, découvrent, achètent, restaurent et exposent tout un trésor du patrimoine artistique de cet art, par des objets du XIXème siècle à nos jours.

Dans la salle Venise le doge nous a souhaité la bienvenue et nous a indiqué ce que nous pouvons faire pour nous amuser. D’autres poupées mécaniques à taille humaine en habits de carnaval vénitien authentiques (il y a Casanova, l’Arlequin, Colombine, …), installées dans les balcons suspendus tout autour de la salle, ont participé à la mise en scène d’un spectacle sur des aires d’opéra. Des jeux nous invitaient à les utiliser et en excitant notre la curiosité d’apprendre toujours plus sur ces trèsors du patrimoine européen, des objets non seulement très beaux, mais en parfait état de fonctionnement. Après le spectacle, la musique des films de Federico Fellini nous a transporté dans un monde de démesure baroque, de décorations abondantes, de miroirs, de toiles peintes pour être des décors de spectacles, des parts de mobilier luxueux d’époque. J’ai vu plusieurs salles de ce musée vivant, j’ai joué avec l’ancêtre du flipper (magnifique réplique en bronze du 19ème d’un jeu à toupie qui a appartenu au roi). Les enfants étaient ravis de faire avancer leurs champions dans les courses de gondoles ou de serveurs, ou monter dans les bateaux-balance ou dans les carrousels.

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Saviez-vous qu’à leur apparition les manèges étaient strictement faits par type d’animal : carrousel de chevaux, carrousel de cochon, etc… ? Vers 1900 la vie des colonies apporte l’intérêt pour les animaux exotiques – lions, tigres, éléphants, girafes… Mais le premier forain qui osera mélanger dans le même manège chevaux, cochons, éléphants et chameaux sera hué et toute la presse criera au scandale ! Heureusement nous n’en sommes plus là. Tout le monde est ravi de tourner dans un même manège assis sur des chevaux, dans des calèches, sur des cochons ou des autruches.

En 1900 l’apparition de toutes sortes de mécanismes se manifeste dans les spectacles de foire. Les premières projections de cinéma, les jeux mécaniques, les machines à vapeur, tous ont d’abord trouvé leur place au sein des fêtes foraines qui montraient des images d’un monde futur, d’un autre monde de sensations, de sons, de projections virtuelles et d’illusions. Ce sont bien les forains qui ont apporté au grand public les découvertes, une grande opération (commerciale) de vulgarisation de la science et de la technique qui a eu succès grâce à leur caractère sensationnel.

Des manèges mécaniques, des appareils hydrauliques, des poupées à cames qui fonctionnent ont été à notre disposition. Mes amis se disputent les places avec leurs enfants. Avez-vous vu le formidable manège de vélocipèdes de 1897 ? Nous avons avancé à grande vitesse (soit disant à la force de nos seuls mollets, mais en fait par une machine d’origine anglaise). Son état actuel a été le résultat d’exceptionnelles recherches “d’archéologie” foraine et sa restauration a demandé 25 000 heures de travail, mais il est tout aussi magnifique comme objet, qu’en marche. Le soin du travail du laiton et du bronze font de ce manège un bijoux d’orfèvrerie. Alors, photos ! Je cherche une place pour la fille d’un ami, mais mes amis ont formé des équipes, impossible de trouver où asseoir la petite Alice ! Je crie à l’injustice – les adultes ne cèdent pas la place aux enfants. Ils lancent avec joie les balles en bois qui font avancer leurs gondoles, s’assoient confortablement dans les carrosses des carrousels et sur les animaux en bois peint pour papoter entre amis le temps d’un tour de manège.

Nous sommes passés d’un bâtiment à l’autre, parfois par une coursive extérieure, mais malgré le froid du jour gris d’hiver personne ne s’est plaint. La magie nous avait rendu nos âmes d’enfants. Nous nous sommes regardés dans les miroirs déformants du salon Magic Mirrors,  restauration d’une salle de danse de 1920, avec un diseur de bonne fortune dans un bocal de cristal poli à l’entrée et une orgue Decap et un piano Jazz Band, installés à coté de la piste de danse en bois.

Ce qui m’a ébloui c’est la démesure ! Ces établissements forains reprennent et reproduisent tout ce qui était plus riche et plus beau à l’époque : une surcharge de décoration – rideaux de velours, plumes d’autruche, sculptures dorées, argenture, abondance de miroiterie, de verre sculpté et cristal poli, prouesses de passementerie, de tapisserie et de dinanderie nous transporte dans le temps et nous fait rêver. Quelle qualité de travail, parfois un art un peu naïf ou populaire, autre fois de l’art brut sans complexes ou du naturalisme fort (hyperréalisme ?) et même une tendance expressionniste ! A l’évidence, à l’époque rien n’était assez beau pour faire venir le public et rien n’a reproduit à ce point le milieux des gens riches de 1850 à nos jours.

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J’allais oublier les formidables cibles mécaniques des stands de tir, où des scènes de vie sont représentées avec humour et naïveté, ou les automates “de voyance” que je n’avais vu qu’au cinéma, la magnifique orgue de barbarie comme un grand bijoux, une dentelle en laiton.

Je sais que je n’ai vu qu’une partie de tous cet imense musée, mais je suis étourdie. Je ne sais plus où regarder, quoi photographier ou “voler en vidéo” pour emporter à la maison une partie de cette vie rêvée. Je sais qu’il y a aussi un Salon de musique, le Jardin de Verdure, les réserves, les ateliers de restauration … une autre fois ….

La visite se termine avec un spectacle projeté sur écran, une fête foraine virtuelle à dimension réelle qui s’immisce parmi nous. Et comme toute fête foraine, elle finit avec un grandiose feux d’artifice, virtuel mais si réel ! Nous sommes ravis tous, petits et grands, et nous voulons encore et encore fouiner et apprendre encore plus sur ce lieu unique. Mais nous sommes là depuis un peu plus de cinq heures et le temps est venu de quitter les lieux.

D’autres groupes font la queue à l’entrée.

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Petit résumé du musée des Arts forains

Plusieurs bâtiments, des salles ouvertes au public d’une superficie d’environs 5 000 m² sur les thèmes :

  • le Salon vénitien (en fait deux salles)

  • le Musée des Arts forains (deux salles aussi ; c’est ici que se trouve le formidable manège de vélocipèdes et la course des garçons de bistro, et pas seulement …)

  • le Magic Mirror

  • le Théâtre du Merveilleux

  • le Théâtre de verdure (se sont ces deux endroits que je n’ai pas visité … snif, snif …) qui a 2 500 m² à ciel ouvert, avec une « mise en théâtre », scénographie et ambiance magnifique.

  • 18 ensembles d’œuvres historiques

  • 14 carrousels et manèges

  • 16 boutiques foraines et attractions restaurées

  • autres attractions en parfait état de fonctionnement

  • plus de 1500 œuvres indépendantes collectionnées dans toute l’Europe.

 

 

 

 

Musée des Arts Forains

53 avenue des Terroirs de France

Paris, France

https://www.facebook.com/PavillonsdeBercy/